Extrait de Dorothée Magazine n°13 (1989) : « Tout d’abord,
bravo à Fabienne qui nous a envoyé une bande dessinée de vingt-deux pages
sur les Chevaliers ! Le trait doit être encore maitrisé, mais
une dessinatrice est peut-être née.. Jugez par vous-même au regard de ces
quelques dessins. » (p.48)
C’est à partir du n°13 du Dorothée Magazine qu’on voit apparaître
des dessins de fans. Après quelques encouragements de la rédaction, cela va
rapidement prendre de l’envergure : les lecteurs sont ravis d’avoir un
lieu pour présenter leurs productions. dès le n°15 (2 janvier 1990), les
dessins sont institutionnalisés. Il y aura même un dessin de la semaine (qui
recevra un cadeau).
Dorothée Magazine n°18 ( 23 janvier 1990) :
« Décidément, vous êtes tous des artistes en herbes ! Depuis
quelques temps, nous recevons beaucoup de dessins. »
Dans les magazines qui suivront le Dorothée magazine, la présence de
dessins de lecteurs est systématique. Un mini star système se développe dans
les colonnes « courrier » d’Animeland
car certaines dessinatrices amateurs sont vraiment douées et très
productives.
Bref ! Le dessin était depuis longtemps dans l’ADN des fans de mangas.
Et pourtant, c’est des années après le premier fanzine d’articles consacrés
aux mangas et à la japanimation
qu’on voit enfin apparaître des fanzines de BD.
En général, My
City est considéré comme le premier (historiquement) et meilleur
fanzine de BD. Ça me paraissait un peu beaucoup pour un seul zine, j’ai donc
fait quelques recherches. J’ai finis par trouver dans les pages de Manken
Z n°1 (avril 1994) une trace de l’existence d’un recueil de BD
parodiant Goldorak : « Gagorak.
52 pages, 25F (frais de port compris) dessins et scénario MUNARO Cyrille.
Plumage : Format A5, plié et agrafé, couverture cartonnée. Sommaire :
pastiche désopilant du fameux Goldorak, Gagorak
est une BD qui mettra en danger la santé de vos zygomatiques, les
nostalgiques de l'époque où la télé était traversée par des astérohaches
trouveront dans cette oeuvre mille et un clin d'oeil à l'oeuvre du maître Go
Nagaï. Réalisé par MUNARO, qui à ce qu'il nous avait habitué dans le
bulletin SUMI. »
Kalahan : My City
ça m’avait foutu une bonne claque : des trames, des dessins au noir
et blanc maîtrisé, des illustrations colorisées avec des feutres à alcool
(ça faisait magique).
Même si on trouvait d’autres fanzines avant, il est sûre que My
City a été un élément déclencheur sur la scène manga. Je ne
m’attarde pas sur son contenu1
pour insister sur l’adéquation entre ce que ce zine a proposé et les besoins
des fans de l’époque. En effet, on est en période d’austérité à la
télévision. Les animéfans se
replient donc sur les éditions papier qui commencent à apparaître, mais cela
ne suffit pas. Bah oui : Des fanzines d’articles nous ramenaient des
infos depuis ce pays lointain pavé de mangas et d’animés, mais en France, c’était la dèche !
Certes Dragon Ball et Vidéo Girl Aï se trouvaient dans nos
contrées, mais c’était bien maigre pour nourrir les voraces que nous étions.
C’est alors qu’on s’est mis à trouver des dessins presque aussi beaux que
ceux de Katsura, des BD avec des intrigues proches de nos univers fétiches…
Des amateurs ont proposé un contenu original inspiré des animés japonais et des mangas. Ça a été une
bouffée d’oxygène et cela a pris tout de suite : les titres se sont
rapidement bousculés ! Animeland a créé
une rubrique à part pour les différencier des autres fanzines dans sa revue
de presse.
Chaque nouveau fanzine de BD apportait un angle nouveau : plus shojo,
plus shonen (même si à cette époque cette distinction n’avait pas énormément
de sens pour les français), plus parodique, plus mélange des genres avec la
BD Franco-Belge
ou le comics…
Edito d’Angel Dust n°2
( janvier-février 1998) : Nous constatons que de nombreux fanzines et
magazines décident d’abandonner cette glorieuse aventure qu’est le
rédactorat. Il faut bien nous rendre compte des difficultés, peu souvent
ressenties, de la publication : problèmes d’ordinateur, de temps pour
les rédacteurs étudiants, de coordinations, de corrections,… qu’exige un
fanzine. Pour notre part, ne vous inquiétez pas, nous poursuivrons notre
chemin, malgré vents et tempêtes.
Les fanzines d’articles se sont raréfiés avec l’arrivée d’internet. J’en
connais à peine deux sortis après 2005. Les fanzines BD, au contraire, vont
croître au point d’occuper l’entièreté de la scène2.
C’est l’empowerement des dessineux ! Tout paraît possible… à condition
d’avoir accès à une bonne photocopieuse.
Le fanzine évolue aussi en fonction des techniques à disposition. Le format
A5 est rapidement adopté par quasiment tout le monde. C’est le plus
économique. Des fanzines au format A4 sortent de temps en temps et sont
souvent associé soit à l’idée de BD
Franco-belge, soit à l’idée de luxe (puisque c’est plus coûteux qu’un
A5).
Certains des choix sont aussi dictés par la recherche de la qualité :
la couverture couleur est indispensable dès la moitié des années 90. Mais la
quête ultime du fanzineux était de trouver une photocopieuse qui gérait bien
les gris ! En effet, les copieurs de l’époque avaient des rendus très
contrastés qui rendaient les traits de crayon à papier invisible et
assombrissaient les gris qu’on faisait au feutre. Dans ces conditions, il
était même impossible de reproduire une photo. La seule solution était
d’utiliser de la trame dans les dessins et de tramer les photos.
On jugeait de la qualité d’un fanzine au nombre de pages qu’il a en couleur.
C’était un vrai argument de vente ! Je me souviens de mon fanzine Oyez
qui publiait des annonces de dessinateurs à la recherche de scénaristes et
inversement. Vu le contenu, j’avais opté pour un choix très économique afin
d’en faciliter la diffusion (et donc d’augmenter les chances pour les
participants d’avoir des réponses). Le fanzines est donc entièrement en noir
et blanc et ne fait que 20 pages (afin de réduire le coût d’envoi postal).
Sur le premier numéro, je ne mets même pas de dessin sur la
couverture ! Les gens ont passé leur temps à me dire que ça se vendrait
mieux s’il y avait de la couleur. Pourtant, cela n’aurait rien ajouter au
propos du fanzine.
Un jour, les mots « photocopie numérique » ont commencé à circuler
parmi les fanzineux qui s’échangeaient leurs adresses. De nouvelles
perspectives se sont ouvertes (avec pleins de gris dedans!), notamment les sketchbooks (entièrement fait
de croquis au crayon).
Question reliure, on peut voir des fanzines agrafés, reliés en spirale
plastique (plus rarement en spirale métallique), en dos carré collé. Parfois
c’est plus artisanal, mais c’est rare… Le dos carré collé s’est généralisé
avec l’apparition des imprimeurs en ligne. C’est amusant de voir
qu’aujourd’hui des fanzines de moins de 40 pages ont une reliure de ce type,
alors que ceux du début des années 2000 qui faisaient presque 100 pages
étaient (péniblement) agrafés. Dans les deux cas (une belle reliure
industrielle ou le nombre imposant de pages), il s’agissait de faire
« pro », « sérieux » et de « justifier le
prix ».
Jusqu’en 2010, à part quelques exceptions, un fanzine manga c’est un format
A5 avec une couverture couleur et un intérieur n&b agrafé (parfois, il y
a un plastique pour protéger la couverture). A partir de 2010-2011, le dos
carré collé est la norme et l’impression tout en couleur presque
généralisée.
Il y a aussi eu des réactions à cette forme trop répandue. Par
exemple :
le fanzine de Marinetzer avec du collage très artisanal.
le petit recueil de Sakura Onna-kun
sur Hello Kitty constitué d’un ensemble de cartes reliées par une
attache parisienne dans l’angle.
les livres de CMIJ aux formats changeants.
le Rusty & Meo Book3 spirale en métal pour
reliure, format A5 paysage avec pleins de transparents, du papier noir…
C’est une tentative d’associer le fanzine au luxe. Mais ce genre de
publication reste assez rare.
Ces publications semblent avoir du succès et suciter l’admiration. Ce n’est
donc pas parce que cela ne plait pas à leur lectorat que les fanzineux
n’explorent pas cette voie. La volonté d’avoir un livre à l’aspect
industrielle s’explique par deux choses :
Aller le plus possible au canon
et donc à la forme du manga,
ne pas rendre visible l’artisanat qui est aussi synonyme de série
limitée. Dans les valeurs du réseaux
manga, le petit tirage n’est pas considéré comme étant un élément
valorisant, au contraire.
Je tiens à signaler qu’en 2001, sort le premier volume de Tangle,
un fanzine de Dara et Galou avec une jaquette et une reliure thermocollée.
Apparemment, c’était très artisanal, mais c’est la première fois qu’on
voyait des amateur sortir un « vrai manga ».
Il convient aussi de parler de Nekomix. Ils
ont sorti leur zine en offset, format comics avec un dos carré collé.
C’était la classe, mais cela les a obligé à tirer à beaucoup d’exemplaires.
Il a fallu un moment pour qu’ils sortent d’autres numéros… Sachant qu’ils
sont toujours vivants aujourd’hui, on peut dire que ce choix (audacieux à la
fin des années 90) a été payant.
Contrairement à d’autres réseaux
de fanzines, le fanzinat manga n’explore pas l’objet imprimé. Le but étant
de produire quelque chose qui soit le plus près possible du pro(pre). On ne
trouve donc quasiment pas de fanzines manga avec des impressions en
sérigraphie, pochoir, gravure. Difficile aussi pendant longtemps de tomber
sur un format autre que A5, A4 et A6 (ces deux derniers cas sont le summum
de la fantaisie dans le milieux du manga). Aujourd’hui, avec les imprimeurs
en ligne, on a majoritairement des formats de poche (pour faire comme des
vrais mangas. Exemple : Chocola*Noisette,
les recueils de Kehjia, Chaud nem Jump…) et
du format B4 à l’américaine. Les formats utilisés sont une conséquence des
moyens disponibles, mais pas uniquement puisqu’on voit que d’autres scènes
ont su faire preuve d’ingéniosité et jouer avec ces moyens. Par exemple, un
numéro de la grosse Marmite
(fanzine de la fanzinothèque de Poitiers) obtient un format carré à partir
de feuille A4 agrafées en décalé. Ainsi, on a une alternance de petites
pages et de grandes pages. On peut aussi évoqué les fanzines format paysages
qui ne sont pas rares, de même que les livres accordéons, etc. Par contre,
je n’ai vu aucun autre réseau
mettre du plastique transparent sur sa couverture. Chun
lis, Guardians4, Lullaby…
pleins de fanzines l’ont fait dans le manga.
Évidemment, les progrès techniques ont aussi fait évoluer le prix du zine.
Les fanzineux évoquent souvent la question de l’argent dans leurs éditos. En
effet, ils ne veulent pas qu’on croit qu’ils font ça pour s’enrichir, ils
jouent donc souvent la carte de la transparence. Voici un exemple avec un
extrait d’un édito du fanzine Ikari no Ryu
(n°1 en hiver 1998) : « Tout ceux qui font un zine vous le diront,
la couverture couleur ça taxe un max. Mais, même si nous passons d’une marge
de 8 à 2 francs, Ikari no Ryu reste à 15
francs5. Et comme on est vraiment
pas porté sur la tune, il y a même 12 pages de plus !!! Mais pourquoi
donc me demanderez vous ? Tout simplement car le seul but de ce zine
amateur est que les lecteurs prennent autant de plaisir à lire
Ikari no Ryu, que nous de l’avoir créé. »
Revenons à la période 1995-1999 : C’est l’époque où les principales
sources d’inspiration sont : Les œuvres de Clamp (Tokyo Babylon, X...),
Sailormoon, les mangas de Masakazu Katsura (Video Girl Aï), de
Tsukasa Hojo (City Hunter alias Nicky Larson en France), de
Masamune Shirow (Apple Seed), la saga Macross, Akemi Takada
et son Orange Road (renommé Max et compagnie en France),
Akira Toryama6 et Saint
Seiya / les Chevaliers du zodiaque7.
Beaucoup d’articles sont consacrés à ces mangas qui vont donc devenir des
classiques et des références absolues par la suite. Dans les BD amateurs
(qui font leur apparition), on trouve beaucoup d’héroïc-fantasy, genre très
représenté dans le jeu de rôle, le jeu vidéo et le manga, mais
sous-représenté à l’époque dans le cinéma occidental.
Les fanzines manga ont un ton joyeux et familiers. Animeland dans ses
chroniques reproche à certains d’entre eux de faire trop de private joke8.
Difficile de suivre les délires des fanzineux : parfois ils font
références à leurs propres vécus communs, parfois à des séries peu connus,
voire même à des éléments de culture n’ayant rien à voir avec le manga9.
Dans l’interview de Christophe
Gans10 à Player One n°55 (juillet-août 1995 p.154), on
apprend comment ce passionné de cinéma de genre (créateur de la revue de Starfix)
a découvert la japanimation : « Oui,
j’habitais à Antibes et je suis allé pour la première fois au Marché du
film de Cannes en 1972, à douze berges… A cette même époque, j’allais voir
Wang Yu et la guillotine volante, Massacre à la tronçonneuse
évidemment, les premiers Cronenberg et les dessins animés japonais :
Captain Harlock, etc. Et c’est comme ça que j’ai découvert les DA japonais sur grand écran !
J’ai pu voir toute la saga Space Cruiser Yamato à Cannes !
Chaque année, la Toei et la Toho venaient présenter leurs dessins animés,
des gros machins comme les premiers Rin Taro, et je les voyais à cette
occasion ! J’ai lancé ensuite un fanzine Rhésus
zéro, et, si tu le regardes, il y a une photo du Cagliostro
Castle de Hayao Miyazaki, etc ! Donc, il y aura toujours des
gens qui pourront dire « Ouais, en faisant Crying Freeman, il
récupère le manga et tout ça…. » Je suis désolé : j’étais déjà
dedans, en 78 !11 »
En 1989, dans la rubrique courrier des premiers numéros de Dorothée
Magazine, on voit les fans s’écharper sur l’orthographe des noms des
personnages (Seyar ou Seyard, Hiki ou Iki, Yoga ou Ioga…).
Dorothée Magazine n°7 (31 octobre 1989), courrier
p 48 : « Dans le numéro 4 de Club Dorothée Magazine,
nous avions publié la lettre de « BT », un fan averti des Chevaliers
du Zodiaque. « BT » donnait des précisions quant aux noms
et à l’orthographe de ses héros. D’autres « mordus » des
« Chevaliers » réagissent à ce courrier et apportent encore
d’autres précisions. »
Il s’agit des prémices de l’échange d’informations de pairs à pairs.
Comme dans d’autres réseaux,
les fans ont cherché des lieux (réels, en papier ou virtuels) pour se
(re)trouver. C’est vraiment la vague de dessins animés importés par le
Club Dorothée qui a permis la constitution de cette communauté que
même le succès de Goldorak n’avait pas permis.
Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit : je ne considère
pas que le mérite en revient au Club Dorothée (l’émission TV et le
magazine). Je pense que « la vie trouve toujours un chemin »12
et que les communautés de fans font pareil.
D’ailleurs, de l’autre coté du fandom,
on trouve une autre communauté en train de se monter. Les membres sont plus
vieux, plus organisés. Sans ces « vieux »13,
pas de Mangazone, pas d’Animeland, pas de Tenshi Bar, Pas de
conventions, pas de librairie,
pas d’éditeur, pas d’émission de radio, pas de serveur minitel14…
Cette génération qui a précédé la mienne a aussi une particularité :
elle a fréquenté d’autres communautés de fans, comme, par exemple, la
communauté des cinéphiles, des bédéphiles ou des rôlistes.
C’est dans les bordures de ces autres communautés que vont d’abord se
retrouver les fans de mangas et d’animés
avant d’être assez organisés pour fonctionner de façon autonome.
Le témoignage d’Arnaud de l’association MéluZine
« J’ai commencé vers 1997 ou 1996 (dans ces eaux là, je ne sais plus
très bien). A l’époque, c’était les conventions et les fanzines de
jeux de rôles qui m’intéressaient. J’ai été aux premières éditions
du Monde du jeu pour chercher des scénarios nouveaux, des compléments de
règles pour les jeux
de rôles auxquels je jouais (principalement Dungeons &
Dragons) et, à l’occasion, découvrir de nouveaux jeux de rôles. Le jeu
de rôles c’était sympa mais l’association dans laquelle j’étais
s’intéressait aussi au milieu japonisant. J’ai donc découvert aussi
l’envers des conventions japonaises
(qui n’avait rien à voir avec celles d’aujourd’hui). A partir de là, j’ai
continué à découvrir tous les autres univers qui tournaient autour du
fanzinat : conventions de
jeux de rôles, de mangas, de
science-fiction, de collectionneur, d’héroïc-fantasy… un peu partout en
France. J’ai été dans des événements de toutes les tailles (de 400 à 200
000 visiteurs). Dans cette association de jeux
de rôles, on était une petite dizaine et il n’y avait que trois
membres qui ne s’intéressaient pas à cet univers japonisant. Le
jeu de rôles c’était notre passion d’ado et la partie manga c’était
notre enfance puisqu’on avait tous été bercé par les premières diffusions
de mangas à la télé. On voulait savoir d’où venait ces programmes. Et
puis, il y avait ceux qui jouaient aux jeux vidéo (jeu vidéo = Japon, tout
ça…). A l’époque, on n’avait pas grand-chose ! Dans mon association,
on était moderne : on était déjà passé à l’ordinateur [nous sommes
aux alentours de 1997]. Sinon c’était la machine à écrire, la paire de
ciseaux et l’imprimante pour faire le premier jeu. Ensuite, on allait chez
Copytop ou un de ses concurrent pour faire le gros tirage avec les grosses
agrafeuses et le massicot. On diffusait via les différents salons qui
apparaissaient à l’époque et qui était principalement dans les écoles
d’ingénieurs, de commerce, tout ça. C’était eux les précurseurs. Le seul
qui reste encore aujourd’hui sur ce modèle là, c’est l’EPITA (à ma
connaissance). Toutes les autres (notamment sur le
jeu de rôles) ont complètement disparu. »
Personnellement, je ne me souviens plus comment je suis arrivée à ma
première convention. J’étais
une fan de manga assez isolée et désargentée. J’écoutais parfois La
Grande parade des Toons sur radio Loustic (radio pour enfants qui a
émis entre 1987 et 199215).
Quand mes parents m’autorisaient16,
je me rendais sur Paris avec une amie et on allait voir les boutiques
spécialisées. J’avais entendu parler de Tonkam et je pense que c’est là que
j’ai ramassé le flyer17 de BD
Expo 96. Peut-être est-ce un magazine de jeux vidéo qui avait mis une
publicité ? Honnêtement, je ne me souviens plus comment j’ai su que BD
expo et Tonkam existaient. Ce qui est sûr, c'est que je n'ai pas été de la
« première génération » : d'autres que moi avaient mis en
place l'univers dans lequel je suis entrée.
L’ambiance de BD Expo me
plaît beaucoup, même s’il y a ce mur entre l’espace manga et l’espace Franco-belge.
Après avoir payé le billet d’entrée, il me restait un peu d’argent (moins de
50F). C’était l’angoisse : pour une fois dans ma vie de fan, j’avais le
choix ! J’ai opté pour Animeland
n°20. Je savais que c’était une référence. Cela me semblait cher pour le
nombre de pages, mais j’étais vraiment très curieuse de découvrir cette
revue. Timide18, je n’avais pas
vraiment fait connaissance avec d’autres visiteurs, ni même discuté avec des
exposants. Ils avaient l’air de tous se connaître19.
Lorsque chez moi j’ai pris le temps d’examiner mon butin, je vois revenir le
mot fanzine à plusieurs reprises (j’avais ramassé des cartes de visites). Je
devine le sens du mot mais cela reste très flou pour moi20 :
il suffit juste de copier ce que je met sur du papier pour dire que c’est un
fanzine ou est-ce qu’il y a une formalité à accomplir, une taxe à
payer ? Et puis, même si je fais un petit journal moi aussi, comment
est-ce que je fais pour avoir un stand ? Je n’avais pas les codes.
Depuis 1996, je suis retournée tous les ans à BD expo (jusqu’à la fin en
2002). J’ai acheté mon premier fanzine de BD : Cendre
de lune... Je l’avais choisis car, certes c’était un fanzine
dédié au manga, mais aussi à la série américaine Buffy contre les
vampires. Et puis, c’était le premier numéro : je ne voulais pas
attraper un train déjà en route, je voulais partir en tant que lecteur dès
le quai de départ. Je l’ai suivi jusqu’au bout. Par contre, je n’ai jamais
ressenti l’envie d’y participer ou même de discuter avec les auteurs21.
1998, l’année où la France devient
championne du monde de Football… Oui, mais c’est aussi l’année de mon
baccalauréat ! J’avais commencé à imaginer un fanzine avec des amies
mais rien n’a abouti. Je rentre à la fac et là, je tombe sur deux
annonces : l’une pour participer à un journal étudiant satirico-littéraire22et l’autre pour dessiner ou écrire des articles sur des mangas en vue
de faire un fanzine. Je réponds aux deux. Si la première aventure n’a pas
duré longtemps (mais j’y ai beaucoup appris), la deuxième va influencer le
reste de mon existence. C’est une étudiante plus âgée que moi, nommée
Caroline qui décide de créer Chronos,
un fanzine d’articles avec un thème par numéro. Elle participait déjà en
tant que dessinatrice à White & Black
Galerie et connaissait des acteurs de la scène amateur
(notamment Gérald Galliano, à cette époque membre de l'association Ryoko).
Tout se passe par voie postale23 :
Je rédige un article en fonction du thème donné et je lui envoie. Parfois je
fais un dessin, mais très vite, je remarque qu’elle les écarte. Je pensais
vraiment que j’allais être une dessinatrice de génie. Mon expérience dans le
fanzine a tout de suite mis les choses au clair !
Quand la mise en page est finie, elle nous l’envoie. On devait payer nos
exemplaires car le fanzine était vendu quasiment à prix coûtant. Cela ne
nous choquait pas vraiment. Je ne voyais pas ma participation à ce fanzine
comme un travail qui devait recevoir une compensation.
Un jour, dans sa lettre, Caroline m’explique qu’elle va aller présenter le
fanzine à l’EPITA et qu’elle voudrait qu’on en profite pour se rencontrer.
Deux autres participantes à Chronos viennent
aussi : Kurimi et Cécile. Travaillant comme caissière à l’époque, je ne
peux y être présent les deux jours. J’y vais donc toute la journée du
dimanche et en cosplay s’il
vous plait !
Une fois qu’on passe de l’autre coté du stand, tout est plus facile. On a
une place claire. On est reconnu comme acteur de la scène et le dialogue
avec les autres devient plus facile. En plus, on passe la journée sur le
festival. On visite, on revisite. On s’imprègne de l’ambiance d’une autre
façon. J’imagine que je ne suis pas la seule à avoir ressenti cela car en
2000, le nombre de fanzines est en augmentation. En 1999, environ 100 titres
recensés (articles et BD confondus) si on se base sur Rézine24.
1 On y reviendra plus tard dans la deuxième
partie (à paraitre) ↑ 2 J’exagère un peu car, depuis quelques années, on trouve
des romans auto-édités sur les stands fanzines de Japan Expo. Il s’agit
principalement de romans érotiques mettant en scène des homosexuel(le)s
et/ou des hétérosexuel(le)s. Est-ce des fanzines ? Ça se discute. En
attendant c’est là. ↑ 3 date de publication inconnue, mais estimée autour de
2002 ↑ 4 Qui profitait de ce support transparent pour intervenir
sur le dessin de la couverture.↑ 5 Selon le convertisseur de l’INSEE qui tient compte de
l’inflation, cela correspond à 2,96 € ! Inutile de souligner
qu’aujourd’hui on ne trouve plus de fanzines de cette qualité à ce prix là
! ↑ 6 Auteur de Dragon Ball ↑ 7 C’est amusant de voir ces doubles appellation.
Aujourd’hui encore, si tu veux montrer que tu es un vrai, tu ne parles pas
de l’Attaque des titans, mais de Shingeki no kyojin, voire
de SNK. A l’époque, les incultes regardaient les Chevaliers du
zodiaque, alors que les passionnés, les initiés, regardaient Saint
Seiya ! Au moins, Dragon Ball met tout le monde d’accord. ↑ 8 Du coup, des fanzines comme Ikki
ou Recto-Verso vont ouvertement l’assumer
dans leurs éditos. Mais pas forcément se résumer à ça ! ↑ 9 On peut citer Lilith
n°4 qui contient des nouvelles littéraire et qui dans sa rubrique « 36 15
Lilith » publie une petite annonce : « Cherche désespéremment la
réincarnation de Raymond Radiguet » (qui est un écrivain français du début
du 20e siècle). ↑ 10 Réalisateur du film Crying Freeman, du Pacte
des loups, de Silent Hill...↑ 11 Je le crois sans problème : Je l’ai croisé une fois
lors du festival de la Japanim’
au forum des images. Les personnes avec qui j’étais me disaient qu’il
n’était pas rare de le voir dans les boutiques d’import parisienne. Ce
soir là, il avait l’air embêté. Je crois qu’il n’avait pas réussi à avoir
de place pour la projection avec Miyazaki (alors que moi si ! ).↑ 12 Célèbre citation de Jurassic Park.
↑ 13 Ces « vieux » qui ont en fait autour de la vingtaine
à l’époque. ↑ 14 Oui, il faut bien admettre que certains de ces «
premiers » fans étaient issues de catégories socio-professionnelles
favorisées puisqu’ils avaient accès au minitel (moi, perso, mes parents en
avaient un mais ne s’en servaient que pour les démarches administratives…
Mon père était au PTT, alors on ne payait qu’à la connexion. Si tu ne sais
pas ce que c’est les PTT, regarde sur Google et laisse moi vieillir en
paix!) mais aussi aux boutiques d’imports (donc principalement des
parisiens), voire à de fréquents voyages à l’étranger (Mmh, c’est pas à la
portée du premier prolétaire venu, ça!). Cela dit, dès les premières conventions,
le public était très hétéroclite. ↑ 15Superloustic existe de nos jours sous forme
de webradio. ↑ 16 Et que mes grands-parents m’avaient filée un peu de
sous… Parce que sinon, c’était pas possible. ↑ 17 Oui quand on n’a pas d’argent, on a beaucoup de
flyers. ↑ 18 Et puis en 1996, j’avais 16 ans. Mon père était venu
avec moi... ↑ 19 Je sais maintenant que certains venaient de se
rencontrer. ↑ 20 Je rappelle pour les plus jeunes d’autres vous, qu’on
avait pas internet à cette époque, donc pas de Wikipédia. Pour connaître
le sens d’un mot, il fallait avoir un dictionnaire ou aller à la
bibliothèque municipale pour consulter une encyclopédie. Evidemment, la
présence du mot « fanzine » issu de la culture populaire n’était pas
gagnée. Quand j’ai enfin envisagé d’ouvrir le Petit Larousse, j’ai
constasté que cette définition n’était pas du tout éclairante… ↑ 21 Je n’ai pas d’explication. C’est sans doute un
histoire de tempéramment. ↑ 22 Le Djinn. C’était à
l’université de Paris IV – Sorbonne. ↑ 23 Malgré le fait qu’on ait sans doute cours dans les
mêmes locaux, mais à l’époque, je ne m’étais pas étonnée de cela. ↑ 24 Fanzine qui constituait une liste/annuaire de
fanzines. ↑